Je suis la conscience égarée de Jacques. Son ventre
mou.
Celui qui tire sur Jacques, à ne percevoir de lui
qu’un sourire assassin d’homme sûr de sa condition.
Je méconnais la métaphysique de Jacques ; je
suis son idiome fantomatique.
Je reconnais la métamorphose de Jacques ; je
me cache derrière son reflet.
J’ai entendu parler du miracle de Jacques :
loin au delà de ses propres gestes et actes, est une petite fille qui le
regardait avec attention et convoitise. Qu’aurait dû être le mot de
l’enfance ? Pour qui existe t-on ? Pourquoi doit-on se battre ?
Dans les rumeurs alentours que Jacques a conçues,
il m’a semblé que le bonheur se faisait parfois une place. Se peut-il que la
rumeur de Jacques dise vrai ?
Qui accroche à notre cou la seule médaille
véritable ?
Jacques doit être heureux à ne savoir que le
nécessaire ; essentiellement parce que le nécessaire de Jacques ne se
partage sans aucune frivolité, aucune accoutumance.
Il est temps d’armer les purs de couteaux bons à
trancher la part de l’esprit vicié, celle qui ne veut pas comprendre qu’il est
moins dangereux de vivre que de chercher sans cesse le sens de l’existence.
J’arpente la route cabossée que Jacques n’a pas su
prendre, bordée par les nénuphars de l’enfer, menacée par une vertu se
réclamant du précipice.
On dirait que Jacques se fiche un peu de moi. Mais celui
qui connaît Jacques n’ignore rien de sa mécanique interne, un altruisme excluant
toute probité.
Il n’existe pas de dialogue entre Jacques et moi.
Nos regards se croisent, une fois la nuit tombée, lorsque l’un s’endort et l’autre
s’éveille, relais passé entre un fauve et une vipère.
Qui prend la nuit ? Qui voudra du jour ? Deux
questions qui s’évanouissent à chaque fois, sans ne produire aucun son.
Je parcours maintenant les rêves de la nuit qui
s’efface. J’y relis les mêmes chapitres, que Jacques a seulement écrits
autrement. Je demande à la lueur du jour si elle voudra bien m’en affranchir. Bienveillante,
foi incontestable, elle répond :
- Oui, jusqu’à la nuit prochaine.
Je regarde le Ciel, la leçon que nous donne le
Monde chaque jour. Je frémis un peu.
J’ai envie d’une cigarette.
L’écho. Les tempes. Le feu.
Je reconnais la Ligne, par delà la première
lueur. Je la ressens au fond de moi.
Ce n’est pas si mal.