-
Avoir
les mains libres, c’est quelque chose que j’aime bien.
-
Définis-le,
voir ce que ça donne.
-
C’est
trouver le moyen d’arrêter de croire la voix intérieure ou, mieux encore, de ne
plus l’entendre.
-
Celle
qui dit qu’un truc cloche ?
-
Oui,
celle-là même, celle qui radote. Pourquoi faudrait-il toujours que quelque
chose cloche ? J’ai un boulot, un
cul dispo et je paye même mes
impôts !
-
Je
ne crois pas à la surprise : ce sont nos petits renards, retardataires,
poils hérissés, sensibles à la misère.
-
Peux-tu
préciser ?
-
Je
ne sais pas : je lutte, je renvoie la balle et ça fait du boucan tout à
l’intérieur de moi.
-
Ce
vacarme, je le connais. Je sais ce qu’il dit ! C’est un renégat ! Tu
vois, je suis là, perpétuellement aux bords de l’évanouissement, à essayer de
faire comme tout le monde, que les étoiles brillent ! Mais je ne sais même
pas qui elles sont, ce qu’elles représentent. Briller ? On vogue seulement sur une esplanade bizarre,
qui devrait en plus nous absoudre de toute mauvaise conjecture.
-
J’ai
également beaucoup de mal. Mais il faut savoir endurer la chose. Elle fait
partie du grand jeu de la vie terrestre. Et nous sommes ses joueurs.
-
Hallucinant !
-
Ô
combien…
Trois pas mouillés, le silence éternuait
sans excuse.
-
Je
ne saurai pas répondre à cette question. Mais j’ai sans doute eu droit à un
avant-goût du second.
-
Une
intermittence spectaculaire ?
-
Oui.
Un éphémère spectacle d’épouvante, qui dura pourtant trop longtemps. La seule
leçon retenue, au bas mot, est la suivante : tant que vouloir s’en sortir
demeure quelque chose de possible, d’autres chapitres sauront prendre la
relève.
-
Tant
que vouloir s’en sortir demeure quelque chose de possible… C’est énorme !
-
Toutefois
pas aussi énorme que s’en sortir effectivement.
Deux pas encore. L’enchaînement, ancestral,
devint presque une chanson…
-
J’ai
parfois l’impression d’avoir oublié ma vie quelque part.
-
J’ai
parfois la sensation que c’est elle qui m’a laissé tomber ! Je n’entends
plus comme il faudrait, je respire les volutes bleutées pareillement à de l’air
pur. Je choisis si arbitrairement que souvent je choisis mal.
-
Choisir,
c’est déjà une prouesse, non ?
-
Une
acrobatie, pour le moins pire des choix que tu puisses faire…
-
Ô,
les terribles que nous sommes devenus !
-
Les
temps effilochés sont la patrie de tous. Deviner l’entourloupe ferait de toi un
demi-dieu.
-
Oui ?
Mais je n’ai toutefois pas l’intention de me laisser faire !
-
Tu
n’as pas l’intention de te laisser faire ?
-
Non ! !
Je n’ai pas l’intention de me laisser faire ! Car où irions-nous sinon ?
-
Je
n’en ai aucune idée.
-
Alors
pourquoi faut-il encore poser cette question ?
-
Peut-être
n’as-tu pas encore envie de la vérité, à seule raison de trop bien la
connaître. Peut-être est-il également normal qu’il y ait tant de misère en
ce monde, trop nombreux que nous sommes à ne pas dominer notre propre
tête !
-
Deux
hypothèses ?
-
Deux
fiascos.
Un instant, admirant un canard, là-bas, de
l’autre côté du lac. Un canard
rugissant. Ou était-ce une femme, sous un parapluie aux drôles de
couleurs ?
-
Où
passent les gens que l’on a aimés dans notre vie ? Que deviennent-ils ?
-
Ils
disparaissent souvent. Et, je te l’accorde, ce n’est pas toujours très
satisfaisant.
-
Je
croyais ne plus avoir à craindre ce que je suis. Je me trompais ?
-
Bien
sûr.
-
Entre
la quête du bonheur et la récolte incertaine des jours qui passent, aurai-je de
nouveau le temps de me pencher un peu sur moi ?
-
Penche-toi
jusqu’à la limite. Dépasse-la. Tu auras ta réponse…
-
Il
n’existe pas d’alibi, selon toi ?
-
Je
ne crois pas.
-
Je
n’ai pourtant pas l’intention de me laisser faire. Je ne veux pas pactiser avec
les mous ! Où sera l’aventure, si finalement je dis oui ?
-
A
quoi bon dire oui ? Les morsures ne cesseront pas.
-
Effectivement…
-
Je
suis comme toi, comme tous les autres : je ne saurai jamais vraiment ce
que je vaux.
-
Devrions-nous
seulement nous en inquiéter ? N’est-ce qu’une seule et même bizarrerie ?
-
Je
ne puis dire, je n’ai pas très envie de conclure.
-
Pourquoi
devrait-on conclure ? Nous parlons seulement d’un état d’être…
-
Oui,
c’est bien de cela dont il s’agit. Etre Humain…
-
La
France manque de jeu en profondeur. En outre, ils ne sont plus assez
rapides !
-
Certes !
Mais enfin, leur imagination n’aurait-elle pas également foutu le
camp ?
-
On
ne saurait dire autrement !
-
Alors,
sans Z, que nous reste-t-il ?
-
Des
A, des B, des C…
-
Tant
que cela ?
-
Cela
n’est rien. Cela ne vaut plus une seule étoile.
-
L’étoile,
que l’on perçoit au beau milieu des mines, sera-t-elle capable de détruire les
ténèbres ?
-
Au
moins, de les atténuer.
-
Et
la dernière d’entre elles, imperceptiblement évanouie…
-
La
rêverie l’accompagne désormais.
-
Faut-il
pour autant laisser place à la grisaille ?
-
Si
tu n’étais pas triste, alors seule la mort compterait.
-
Et
les tentations font bien du mal aussi, n’est-ce pas ?
-
Très
exactement…
-
Je
n’ai que trop commis d’erreurs ! J’ai certainement trop erré !
-
Oui,
mais comme nous tous.
-
Tandis
que s’enfuir ne marche pas ! Pas à
coup sûr, en tous les cas?
-
Demande
à l’étoile.
-
Je
ne sais pas lui parler. Je n’ai peut-être jamais su. Mais de temps en temps, peut-être me
comprend-elle un peu.
-
Je
ne crois pas. Mais je ne suis sûr de rien…
-
Ce
n’est pas drôle !
-
Console-toi :
la faute revient toujours à ceux qui
savent tout !
-
Je
sais si peu… Mais savoir, ça veut dire quoi exactement ?
-
C’est
une supercherie, dont il ne faut jamais se satisfaire. Alimente le puits, alimente toujours la
racaille insoumise qui demeure en toi. Comme s’il n’y avait aucune autre
chance…
-
La
racaille insoumise qui demeure ?
-
C’est
mon deuxième prénom.
-
Cela
ne veut rien dire, non ?
-
Je
dirai plutôt que cela vaut tout, tant que cela est insensé.
-
J’acquiesce.
Je confirme même : je n’ai pas l’intention de me laisser faire !
-
Non ?
-
Non !
-
Vraiment ?
-
Oui,
vraiment : je n’ai pas l’intention de me laisser faire !
-
C’est
l’intention qui compte…
Le lac scintillait au couchant ; on se
réchauffait sous l’abribus…
-
Ferais-tu
mieux que le vieil adage lui-même ?
-
Que
faute avouée est à demi pardonnée ?
-
Celui-ci
en vaut bien un autre.
-
Finalement,
à qui crois-tu avoir à faire ?
-
Et
toi, de quelle vertu te réclames-tu ?
-
Je
signe le livre chaque matin.
-
En
haut de la page ?
-
J’ai
bien appris…
-
Et
pourtant, tu n’as pas l’intention de te laisser faire, n’est-ce pas ?
-
Non,
je n’ai pas l’intention de me laisser faire !
-
Ne
souhaites jamais avoir à le répéter plus de trois fois.
-
Pourquoi
cela ?
-
Ce
ne sont pas les entourages qu’il faut convaincre.
-
Si
mon âme doute, ma chair s’en ressent. Seule, que peut bien tenter ma
chair ?
-
Elle
peut agir. Elle peut succomber aussi.
-
Pour
qui ? Pourquoi ? Au nom de qui ? Au nom de quoi ?
-
Quelles
seraient les autres questions ?
-
Je
te laisse soin de répondre par toi-même...
-
Aussi,
je répondrai : toutes celles que nous n’avons pas encore posées.
-
Je
n’aurai pas dit mieux. Et, comme voilà ma barque, sur l’instant je te
quitte. Adieu, l’ami !
-
Adieu,
l’ami… Et comme tu rames déjà, j’irai par l’autre rive, en espérant de nouveau
croiser notre canard. Il avait fière allure, et si beau langage !
Les portes coulissantes se refermèrent en
un souffle unique. A chacun le sien. Là aussi, le sol était mouillé. On devinait
presque la terre dans la boue que faisaient les pas.