Ma petite entreprise…
Savons-nous reconnaître une limite, quand celle-ci est dépassée ?
Savons-nous dire avec
toute la fermeté requise : l’enjeu n’est pas là. L’enjeu, ce n’est pas
toi, Monsieur, ni une énième échéance électorale. L’enjeu, ce sont les siècles
et les siècles, les leçons que notre mémoire collective laisse au bord de la
route. Certainement, parce qu’il vaut mieux savoir qu’apprendre. Certainement
aussi, parce qu’on ne trouve pas refuge dans ce que l’on a jamais été.
Une mise en examen à
seul dessein d’assassiner politiquement un homme ? Et puis la rue prise en
otage, pour défendre un homme mis en examen ? On nous parle d’assassinat.
C’est bien de cela dont il s’agit : mettre un terme de façon non naturelle et
volontaire à l’existence de quelqu’un, ou peut-être de quelque chose, voire même
d’une idée.
On respire. On
réfléchit. On se souvient.
On se souvient des
grandes affaires qui ont entaché la cinquième République depuis les années 70,
depuis les impôts de Chaban-Delmas (72) aux diamants de Bokassa offerts à D’Estaing
(79), en passant par Papon (81), Touvier (89), Bérégovoy (93), Tiberi et Juppé
(95). On n’oublie pas l’hydre nationaliste que Mitterrand a contribué à créer pour
se faire élire en 81, le sang contaminé de Fabius, qui terminera donc sa
carrière, pied de nez suprême, à la présidence du Conseil Institutionnel.
On se remémore les
emplois fictifs de Chirac à la mairie de Paris, les cents affaires du Sarkozysme et de sa clique Guéant, Hortefeux
et consort, dans la réalisation d’un quinquennat en forme d'insulte à
l'intelligence, ce que d’autres décriront plus tard comme l’accomplissement
sans défaillir des sept péchés capitaux (colère, envie, avarice, gourmandise,
paresse, luxure et orgueil).
Pour finir enfin, jamais
rassasiés, on se rappelle la trahison originelle de Hollande, qui a foulé au
pied le projet qui a fait de lui le plus mauvais Président de ce régime, de son
incompétence quasi mystique à sa collusion journalistique, dans le trépas du mensonge
de Cahuzac à l’Assemblée Nationale, l’épineuse couronne venue orner le plus
haut des sommets, celui de la tête à toto.
Le seul assassinat que
Monsieur Fillon peut aujourd'hui revendiquer, c'est celui de la parole donnée,
celle qui ne veut plus rien dire à force d'être bafouée. Il faut donc reconnaître à cet assassinat-là son caractère primordialement collectif. Il se
revendique non pas d’un homme, mais d’une caste. Il vient affirmer avec plus de
force encore que le sujet reste et demeure le même qu’il y a trois siècles. C’est
une lutte des classes, une lutte à mort, entre les dominants et les dominés, ce
peuple qu’on tente si malhabilement d’asservir.
Vous savez tout comme moi
qu’il existe certainement et malheureusement des dizaines de dossiers plus
graves, plus sérieux, plus incriminants, que celui qui ont conduit les juges de
la République à mettre en examen Monsieur Fillon. Nous ne parlons que des petits
dessous de Pénélope. Mais savoir reconnaître aujourd'hui son illégitimité
serait le moins pire de tous les maux, quand l'ambition personnelle dépasse l’intérêt
collectif et devient le substrat du parjure, l’alibi d’un populisme désespéré
des plus abjects.
Ouvrons les yeux.
Croyez-vous encore que
ces gens se battront pour vous ?
Lisons le programme en
quinze points de Monsieur Fillon, celui qui supprime l'impôt sur la fortune
avant de supprimer la misère, celui qui interdit que les mœurs et les sociétés
évoluent, sans ne même inscrire un semblant de stratégie environnementale dans
son pseudo plan de relance, celui qui demande aux gens de travailler plus
longtemps encore, comme le moyen le plus efficace qu’ils ne touchent jamais une
retraite à taux plein, en d’autres termes, d'en finir une bonne fois pour
toutes avec notre système par répartition, la solidarité intergénérationnelle, l’un
des fondements de notre modèle social.
Les assassins, Monsieur
Fillon, ne sont pas les juges, ni les institutions. Mais bien ceux qui leur
marchent dessus, sur l'hôtel de leur propre renoncement aux valeurs
républicaines qu'ils sont censés défendre, défendre plus que tout et, si
nécessaire, jusqu'à en crever la bouche ouverte.
Tous ceux qui font
mine aujourd'hui de croire que tout ceci est normal et justifiable, le bureau
LR qui vote pour votre maintien à l'unanimité, sont dans l'erreur centrale d'un
système qu'ils condamnent pour de bon, aujourd'hui, demain ou un peu plus tard.
Ne cédons pas aux
extrémismes. Ne cédons pas au populisme de bas étage, sous toutes les formes qu’il
est capable de revêtir, en tentant de nous faire croire à une réalité presque
binaire, les bons et les méchants, quand elle n'est que d'une extrême
complexité.
Je vais le dire tel
que je le pense : au regard de ce qui nous est servi, nous sommes mûrs pour le
soulèvement.
Monsieur Fillon enfin,
je terminerai par une courte citation, qui semble, vous me l’accorderez
peut-être, assez bien convenir aux entreprises que vous menez avant tant d’aveuglement
:
« Car l’oppression
peut faire qu’un sage agisse comme un fou. »
L’Ecclésiaste 7:7