Je fais face à l’Ouest. Le soleil vient de disparaître et le panorama n’offre plus que quelques vives traces orangées et violettes, là où une boule de feu s’imposait encore il y a à peine dix minutes. A l’Ouest, se porte le regard d’un crépuscule. L’aube, derrière moi, n’est qu’une pensée de plus.
Les touristes commencent à partir et me voilà ici dans la peau d’un nouveau résidant, assis sur ce banc de bois brun, en train d’écrire quelques lignes dans ce carnet de marque Hurley, cadeau que m’avait fait la vendeuse d’un magasin de fringues de skate, que j’avais copieusement dévalisé lors de mon deuxième voyage canadien de 2012.
Dans l’avion du retour, j’avais écrit une lettre d’amour, lettre que je n’ai jamais donnée, premiers mots que j’avais posés sur ledit carnet, avant de le laisser vierge de tout nouvel écrit durant plusieurs mois. Le temps s’enfuit et nous, avec lui, dans les machineries terrestres des êtres, des pairs et des impairs.
Devant moi, l’Hérault et ses dernières eaux claires et juste derrière, la salinité de la Méditerranée. Je ne sais jamais écrire « Méditerranée » ! Je fais systématiquement au moins une faute, voire deux, que le correcteur d’orthographe de Word se charge gentiment d’effacer. Mais il n’empêche : si je dois réécrire Méditerranée deux minutes plus tard, je ne manque pas de refaire une faute...
La nuit s’installe peu à peu et la lumière du jour couchant est très belle, presque surannée. A 14h au dessus de moi, deux avions ont laissé leurs traces qui se croisent pour former une croix rose saumon, alors que l’une d’entre elles se dilue déjà, pour s’éparpiller avec lenteur dans le ciel. Simple représentation, spectacle inlassable au regard.
A une dizaine de mètres à ma droite, deux frères aux cheveux couleur de jais, sans doute âgés de 10 à 12 ans, jouent les prolongations à la pêche. Ils manient leurs cannes un peu gauchement mais ils ont vraiment l’air heureux. Leur complicité est cette évidence qui émane de leur gestuelle commune, de leurs petits rires contenus, enfin de cette lueur dans les yeux qu’ils partagent encore, dans les derniers sillons du jour.
Je n’ai jamais pu retourner à la Tamarissière, la deuxième rive de l’Hérault. Je n’en ai jamais eu la force. Sa digue et son phare rouge sont devenus un lieu d’exil, là où l’on a simplement laissé une part de soi. Rien n’est irrévocable cependant, car au-delà de la deuxième digue et de son phare, dominent les grands horizons de l’Ouest et tout ce que l’on décidera d’entreprendre avec eux.
Croissant de lune au dessus du phare, une mère vient de se poster juste à côté de moi, afin de prendre son fils en photo, son fils qui vient de décider unilatéralement qu’il était l’heure de se mettre à l’eau. Il est descendu prudemment de la digue et il a maintenant les pieds dans l’eau. Sa maman ne peut s’empêcher de réprimer la nécessaire consigne de prudence : « Ne vas pas trop loin, Thomas ! »
Non, ne vas pas trop loin, fils…
4 commentaires:
Ce jolie texte aurait pu être agrémenté d'une illustration photographique...
Quoi que tes mots nous laisse clairement imaginer ce qu'il en était.
Lov u Bro.
Comme tu dis bro, j'ai hésité à illustrer le texte avec une photo et puis j'ai finalement opté pour le libre cours de chacun...
Bisous mon frère, lov u 2
Ben voila ;-)
;p)
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