jeudi 25 avril 2013

Les Fragments Incompressibles. Pt. 3


Lundi 15 septembre 2003, 22h15 - Sur le Kourou. Camp Cariacou, Crique Cariacou.



Les bruits de l’Amazonie enfin me cernent et me réconfortent. Quelles réponses aurai-je enfin la force d’aller chercher ?

Il ne me semble pas être totalement perdu. Egalement, je ne suis pas maudit. Mais j’avance en tâtonnant, à la recherche de ce que je suis. Je crois que je gagnerai du temps ainsi qu’une précieuse énergie à admettre que je n’obtiendrai pas de réponse toute faite, ni même limpide. Ma voie, peut-être ne la trouverai-je que par inadvertance, sans que je ne me réveille un beau matin avec en main la force d’une vérité totale, au cœur la foi d’une conviction absolue, enfin à l’esprit le pouvoir d’un discernement certain. Il va me falloir procéder autrement qu’en me posant sans cesse ces mêmes questions. Il va me falloir grandir dans l’ignorance partielle de ce que j’ai en moi, sans pour autant ignorer que ma quête aura un jour le besoin d’être assouvie.

Tant de méfaits, si peu de gloire.

Autant d’humanité finalement dispersée, témoignage manifeste d’une errance douce amère. Je n’aime que trop la vie, mais ne sais parfois que trop en faire. Je suis ici, merveilleuse chance, à renchérir le divin pouvoir du pardon, celui que je peux m’accorder, celui aussi qui ne servira plus d’autre cause que celle de la vie elle-même, qui se doit de continuer et à qui je dois finalement tout.

Le risque est immense à vivre ainsi, sans ne plus prendre aucun risque. Comprendre qu’il sera encore possible de se relever si d’autres chutes surviennent. Le parcours au devant de moi ne m’appartiendra vraiment que si j’appréhende le fait qu’il ne m’appartient pas et que si j’y emploie absolument tout ce qu’il me reste de force et de pouvoir d’abnégation, afin qu'il ne devienne autre chose qu’une morne route grise. Morne route, qui n’aboutirait qu’à l’impasse exsangue d’une vie sans dessein.

Je me sais doutes et harcèlements, maladresses et tendances fâcheuses. Je suis aussi passions et grand cœur, d’un généreux enthousiasme. Je peux donc recouvrer la foi, cela n’est pas impossible. Car il n’y a rien qui ne soit encore, manifestement, rédhibitoire.

L’ailleurs et le meilleur, c’est ici et maintenant, à chaque seconde qu’il m’est encore donné de vivre. Je suis absolu. Je dois vivre absolument. Si j’ai encore peur, rien ne saura plus me détacher de celle-ci que d’oser le courage et la tempérance, l’ardeur et la diplomatie. Toute la vilenie de mon être n’a jamais su entièrement me perdre. Se vouer au progrès, c’est aussi relativiser la part de démon, accepter son existence sans jamais se corrompre dans la complaisance.

Je ne saurai plus aborder la vie et les gens d’un regard complètement neuf. Mais séance tenante, les ouvrir de nouveau comme j’ai déjà su le faire auparavant. Sans nier le pouvoir d’usure du temps, mais en me servant de l’expérience grandissante et du renfort certain d’une maîtrise qu’il est possible d’instaurer ; dessiner plus adroitement la voie de demain deviendra peut-être un jonglage réalisable.

J’écris en ne sachant dire qu’une unique chose : tu es en vie. Tu es encore là. Alors deviens-toi même. Deviens toi-même. Et même l’amour te sera de nouveau autorisé.

Il faut tirer un trait maintenant. Il n’y a plus rien d’autre à faire. Le cercueil est sur le bas-côté d’une route que tu as déjà jalonnée. Tout autour de toi, sous un ciel étoilé comme il n’en existe nulle part ailleurs, l’Amazonie vibre. Et tu la sens résonner en toi, non pas que tu fasses vraiment partie d’elle ; mais bien parce que c’est elle qui fait partie de toi.

Comment ne pas être convaincu qu’une vie ne vaut jamais le prix d’une autre, lorsque s’offre à vous ce que je vois ce soir ? 


3 commentaires:

Anonyme a dit…

La seule façon d'avancer... c'est de ne jamais se décourager ....
Il y a des jours avec... il y a des jours ça... et les jours sans, faut faire avec...

Voici deux de mes principales maximes de vie, que j'ai tjs enseigné à Virginie et Domi...

Tu sais, même aujourd'hui, avec tout ce que j'ai déjà vécu et affronté, je ne sais pas encore tout de moi....on peut s'étonner chaque jour de nos capacités à réagir, rebondir...

Heureusement d'ailleurs qu'on ne sait pas d'avance...
Demain n'est pas écrit, tout est donc possible :-)

Bises Olivier

Anonyme a dit…

je voulais écrire "il y a des jours sans ....."

Olivier Brugerie a dit…

Je partage Annie...Merci pour tes mots et oui c'est tous les jours que l'on apprends.

Bisous ;)

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