Un
titre, une sommation.
Je
suis ici, parfait outsider, cas parfaitement imparfait. Dès lors, je suis aussi
digne de représenter l’un d’entre nous que n’importe lequel d’entre vous,
essayant de se débattre en un début de siècle complexe et urgentissimé. Ce
dernier mot n’existe pas. Pourtant l’improbable adjectif me semble bien
convenir à notre siècle, où l’urgence revêt le caractère d’un quotidien qu’il
faudrait anoblir d’une extrême-onction. Il
faudrait changer, n’est-ce pas ? Tout le monde a ça au fond du
ventre ; nos modes de vie, de pensées, de fonctionnement, nos modèles
économiques et sociétaux, sans que rien ne soit d’ailleurs encore factuellement
irréversible, et quand bien même nous y administrons une bonne grosse louchette
de lieux communs.
Je
continue. Puisque j’ai pris la parole. Plage mazoutée, les ricochets sont
puants et innombrables. On dit souvent qu’il est trop facile de faire
référence. On prend ce qui vient, ce qui survient, ce qui afflige et, à force, cela
deviendrait presque une part de nous, en une espèce d’affliction prédigérée
pour nous par des médias unanimes et massifs.
Sauf
que…
Il
n’y a pas d’obligation. Lieu commun encore de clamer qu’il ne s’agit ici que
d’un mensonge, mais pourtant un mensonge aussi vaste que collectivement
assimilé. Il y a dix ans, le Prestige foutait nos côtes atlantiques en l’air, Georges
(double you fuck) foutait l’ONU, l’Irak et l’Afghanistan en l’air, et puis ? Qu’est ce qui a
changé ? Un trader a appuyé sur un bouton et les marchés impuissants à
réagir ont fait du mieux qu’ils le pouvaient. C’est bien de cela dont il s’est agit ?
Ou ai-je mal compris ?
Puisque
le blasphème est légion, qu’avons- nous finalement à redire ? Regardons
les dernières croisades, quelles soient françaises, américaines, coréennes, iraniennes,
juives, djihadistes, homophobes, xénophobes, ou pour la grande majorité
d’entres elles, celles censés modeler notre existence, avilies par un corps
politique avachi en lui-même depuis si longtemps qu’il ne distingue plus ce
pourquoi il est fait. C’est d’ailleurs là que cela deviendrait presque
préoccupant : tout est à redire justement et même à réinventer. Mais cela
ne date pas seulement de Georges, ni de ces prédécesseurs, ni de ses suivants.
Ça a toujours été là : la douce cabale, contrariée seulement par ceux qui
croient en autre chose ou plus communément, dans la lutte facile et abrégée de
quelques bonnes phrases révoltées troquées en famille ou entre potes, lors de
ces fameuses soirées qui n’ont jamais rien changé.
Quels
sont donc ces sujets qui mobilisent les parts majeures de mon humanité, de mon
cœur et de mon âme ? Je peux tenter d’en lister quelques-uns : l’amour, la
famille, le devenir de ceux que j’aime, mon propre devenir, des idéaux
inaltérables et des grands rêves qui ne parviennent pas à s’essouffler. Est-ce
la vérité ? Alors que le temps, dans les combats de chaque jour, n’est
qu’une urgence et que l’entreprise en mobilise une part tout simplement effrayante.
Ainsi
peut-être, s’il est utile à une seule et modeste raison que je me lance, je poursuivrai
par une simple interrogation : Où en suis-je de mes rêves de gosse ?
Ces rêves que j’ai nourris et en lesquels j’ai crus jusqu’à m’y perdre
parfois ? N’étaient-ils finalement que de vulgaires chimères ?
Hé
bien je crois qu’ils sont encore là, en moi, tenaces et irascibles, malgré les
innombrables coups qui leur ont été portés, ou ceux que je leur ai moi-même infligés.
Pourquoi est-ce ainsi ? Je n’ai pas de réponse. Ou je ne préfère
peut-être pas répondre.
La
question du Pourquoi semble pourtant être la question qui tue. Parce qu’elle
intervient toujours au moment opportun, celui où le moindre pas fait à reculons
n’est plus autorisé, sans ne risquer alors dans l’effraction que de tomber au
fin fond d’un précipice qu’on aura vraisemblablement soi-même creusé.
Pourquoi
est-ce arrivé ? Pourquoi n’est-ce jamais arrivé ?
La
réponse n’est certainement que ce que l’on a envie qu’elle soit ou ce que l’on
exige d’elle : une humaine assurance qui devra nous rassurer, face à
l’intolérable probabilité, cependant envisageable, que la réponse n’existe tout
bonnement pas, ou que celle-ci se limite à une formule vide, du style : ce
qui survient ou ne survient jamais, survient ou ne survient jamais. Sans nulle
autre justification.
Et
dans cette hypothèse, le pourquoi et son point d’interrogation immense, aussi
sincères même qu’ils puissent être, risquent bien de se faire irrémédiablement
dissoudre la gueule.
Dès
lors, qui sauvera l’âme de Joe ?
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